Lajoux et les hauts
Le Haut-Jura est le domaine du sapin. Il est partout présent, sur les plateaux, dans les combes et les versants des monts. C'est donc tout naturellement que son bois fut, pendant des siècles, le matériau de base presque exclusif des fermes et des maisons villageoises. La charpente traditionnelle, ou charpente à colonnes, ainsi appelée pour ses piliers allant du sol au faîte, supportait une couverture en tuiles de bois ou " tavaillons ", lames rectangulaires de 45 cm sur 10 et de 0,7 cm d'épaisseur moyenne.
Au 17eme siècle, l'habitat se modifia. Les maisons et fermes s'agrandirent, les pièces d'habitation devenant plus nombreuses et plus vastes. Parallélement, le bois fut remplacé dans la construction des murs par des moellons de pierre assemblés avec une argile grasse mélangée de sable : le "gi". Mais le gi résistait mal à l'érosion. Il fallut préserver les façade exposées au gel, battues par les pluies abondantes et les forts vents d'ouest; on les protégea au moyen d'un revêtement extérieur, fait de tavaillons assemblés sur un chassis de bois scellé au mur; c'était la baptaillée.
Ces mots de tavaillons et Baptaillées reviennent couramment dans le langage populaire. Ils semblent fort anciens et nous les retrouvons dans le patois régional. Malheureusement leur origine étymologique demeure inconnue et aucune explication valable ne peut être retenue. Leur orthographe même est sujette à caution. Quoiqu'il en soit, ces revétements furent largement utilisés jusqu'à la première guerre mondiale et avaient au siècle précédent encore, droit de cité à Saint-Claude, Morez ...
L'abaissement du coût des transports et la possibilité de faire voyager en quantité, sur des distances plus grandes, les marchandises pondéreuses, permit d'introduire dans la construction locale, la tuile. Elle chassa le tavaillon tandis que la tôle, vulgarisée à son tour, sonnait le glas des baptaillés au détriment des maisons typiques du pays qui perdirent ainsi un de leurs caractères essentiels.
La fabrication du tavaillon était assurée par des artisans spécialisés et par des cultivateurs durant les longs et rudes hivers jurassiens. Il arrivait que tout un hameau assure une production relativement importante et tire son nom de celle-ci : Baptaillard, Tavaillonnette.
Des connaissances forestières précises étaient exigées d'un bon ouvrier. Il devait connaître les massifs donnant des bois faciles à trancher, à la veine serrée et droite. Les sapins du Risoux étaient réputés pour leur qualité. L'arbre souvent centenaire, acheté sur pied, abattu et écorcé à la belle saison, était "démontagné" et apporté chez le transformateur qui le débitait alors en rondins sans noeud de la longueur des tavaillons.